Presque toutes les personnes qui ont leurs règles ont déjà ressenti des crampes menstruelles à un moment ou à un autre. Pour beaucoup, elles vont et viennent au cours du cycle mensuel, mais pour d’autres, elles peuvent devenir suffisamment intenses pour perturber la vie quotidienne.
Selon une étude épidémiologique, jusqu’à 91 % des femmes en âge de procréer souffrent de crampes menstruelles, dont 29 % ressentent des douleurs intenses. Si vos crampes sont particulièrement intenses, persistantes et accompagnées d’autres symptômes gynécologiques, elles peuvent être le signe d’un problème médical sous-jacent qui nécessite une attention particulière.
La physiologie des crampes menstruelles
La dysménorrhée est le terme médical utilisé pour décrire les règles douloureuses ou les crampes menstruelles.
Que sont les crampes menstruelles ?
Les crampes menstruelles sont un type de douleur pelvienne qui survient pendant les règles. Elles peuvent aller d’un léger inconfort à une douleur intense et invalidante.
Il existe deux types de dysménorrhée :
- La dysménorrhée primaire est la forme la plus courante, elle touche souvent les adolescentes et les jeunes adultes, et n’est liée à aucune autre affection sous-jacente.
- La dysménorrhée secondaire est causée par un problème médical sous-jacent et tend à se produire chez les personnes de plus de 25 ans.
Pourquoi surviennent-elles ?
La douleur des crampes menstruelles provient de la contraction des muscles utérins, déclenchée par la libération de substances chimiques appelées prostaglandines, en particulier la prostaglandine F2α (PGF2α) et la prostaglandine E2 (PGE2). Ces prostaglandines sont responsables des contractions de l’utérus qui contribuent à l’expulsion de la muqueuse qui s’accumule chaque mois. Plus le taux de prostaglandines est élevé, plus les contractions sont fortes et plus la douleur est intense.
Les déséquilibres hormonaux en œstrogènes et en progestérone sont souvent impliqués dans la dysménorrhée.
La dominance œstrogénique, caractérisée par des taux élevés d’œstrogènes par rapport à la progestérone, peut exacerber les pathologies gynécologiques sous-jacentes, telles que l’endométriose et l’adénomyose.
Ces affections sont œstrogénodépendantes et impliquent une inflammation chronique. Les œstrogènes favorisent la croissance du tissu endométrial (le tissu qui tapisse l’intérieur de l’utérus) et augmentent la production de médiateurs pro-inflammatoires, ce qui peut accentuer la perception de la douleur et contribuer à la sévérité de la dysménorrhée.
Les faibles taux de progestérone aggravent encore ce problème. La progestérone a des propriétés anti-inflammatoires et aide à réguler le cycle menstruel en équilibrant les effets des œstrogènes. Lorsque les taux de progestérone sont faibles, le métabolisme des prostaglandines diminue et leur synthèse augmente, ce qui entraîne leur accumulation.
Causes courantes des crampes menstruelles sévères
Bien que les crampes menstruelles fassent souvent partie de la vie, certains facteurs et certaines conditions médicales peuvent les rendre plus sévères.
Facteurs liés au mode de vie et au stress
Examinons certains des facteurs modifiables qui augmentent le risque de développer des règles douloureuses :
L’alimentation
Dans une étude portant sur la relation entre les habitudes alimentaires et les troubles menstruels chez les femmes, les chercheurs ont découvert que les femmes ayant un apport alimentaire en protéines plus faible étaient plus susceptibles de souffrir de dysménorrhée. De plus, les carences en nutriments ont été associées à la présence de troubles menstruels, en particulier :
- Les fibres
- Les vitamines B
- La vitamine C
- La vitamine D
- La vitamine E
- Le potassium
- Le calcium
- Le magnésium
- Le fer
La fumée de cigarette
Le tabagisme est un facteur de risque de dysménorrhée car il restreint la circulation sanguine et est toxique pour les ovaires. Le fait d’être une ancienne ou actuelle fumeuse augmente votre risque de dysménorrhée jusqu’à 1,5 fois.
L’alcool
Des études ont identifié la consommation d’alcool comme un facteur associé à la gravité de la dysménorrhée. L’alcool peut influencer les niveaux d’hormones reproductrices, en particulier en ayant des effets semblables à ceux des œstrogènes dans le corps, ce qui peut exacerber les douleurs menstruelles.
Le stress
Les femmes très stressées peuvent être exposées à un risque de dysménorrhée deux fois plus élevé que celles qui le sont peu. Le stress peut provoquer des déséquilibres hormonaux en augmentant la production de cortisol, une hormone du stress qui peut perturber l’équilibre des hormones reproductives telles que l’œstrogène et la progestérone. Des élévations chroniques du cortisol peuvent également activer des voies pro-inflammatoires, amplifiant les contractions utérines et la perception de la douleur.
Conditions médicales liées aux crampes sévères
La liste des causes possibles de la dysménorrhée secondaire comprend, sans s’y limiter :
L’endométriose
L’endométriose est une affection gynécologique qui touche 1 femme sur 10 en âge de procréer. Elle se caractérise par la croissance de tissu endométrial en dehors de l’utérus, qui se comporte comme la muqueuse normale, s’épaississant et se desquamant à chaque cycle, mais sans sortie facile. Cela entraîne une inflammation et la formation de tissu cicatriciel.
L’endométriose est la cause la plus fréquente de dysménorrhée secondaire, affectant jusqu’à 75 % des adolescentes souffrant de dysménorrhée. Outre les crampes menstruelles douloureuses, l’endométriose provoque également :
- des douleurs pelviennes chroniques
- des saignements menstruels abondants (ménorragie)
- l’infertilité
l’adénomyose
L’adénomyose est une affection utérine qui se produit lorsque le tissu endométrial se développe dans la paroi musculaire de l’utérus (myomètre). On estime que 15 à 30 % des patientes atteintes d’adénomyose présentent une dysménorrhée, qui serait causée par une augmentation des taux de prostaglandines. Elle est le plus souvent diagnostiquée chez les femmes âgées de 41 à 45 ans.
Fibromes utérins
Les fibromes, ou léiomyomes, sont des tumeurs bénignes qui se développent dans ou sur les parois de l’utérus. Bien qu’ils ne soient pas cancéreux, ils peuvent provoquer des saignements abondants, des crampes douloureuses et une pression dans la région pelvienne. Selon une étude, 61 % des femmes atteintes de fibromes ont déclaré souffrir de dysménorrhée légère à sévère.
Maladie inflammatoire pelvienne (MIP)
La maladie inflammatoire pelvienne est une infection des organes reproducteurs féminins, souvent causée par des infections sexuellement transmissibles (IST) non traitées, telles que la chlamydia et la gonorrhée.
Non traitée, la maladie inflammatoire pelvienne peut provoquer des cicatrices permanentes dans l’appareil reproducteur féminin, entraînant des complications telles que :
- Douleurs pelviennes chroniques
- Infertilité
- Grossesse extra-utérine (implantation d’un ovule fécondé en dehors de l’utérus)
Génétique et antécédents familiaux
Avoir des antécédents familiaux de dysménorrhée multiplie par 20 le risque de développer la maladie. Des études d’association pangénomique (GWAS) ont identifié plusieurs loci génétiques associés à la dysménorrhée. Les variantes génétiques spécifiques qui ont été impliquées dans le risque de dysménorrhée sont les suivantes :
- NGF
- ZMIZ1
- BDNF Val66Met
Reconnaître les symptômes et savoir quand demander de l’aide
Malgré leur prévalence, les recherches suggèrent que jusqu’à 86 % des femmes souffrant de dysménorrhée ne consultent pas leur médecin. Il est important de savoir quand les crampes menstruelles ne sont pas un phénomène normal de votre cycle.
Identifier les crampes sévères des crampes normales
Les crampes menstruelles normales commencent généralement au début des règles et durent de quelques heures à une journée. Elles sont généralement d’intensité légère, ressemblant à une douleur sourde ou une pression dans le bas-ventre, et n’interfèrent pas avec les activités quotidiennes.
Les crampes sévères, en revanche, peuvent durer plusieurs jours et s’accompagnent souvent d’autres symptômes tels que :
- Nausées
- Vomissements
- Diarrhée
- Ballonnements
- Vertiges
- Maux de tête
- Douleur dans le bas du dos
- Douleur irradiant dans l’arrière des jambes
- Douleur dans tout le corps
La dysménorrhée sévère est également une cause majeure d’absentéisme scolaire ou professionnel et de perte de productivité.
Signes avant-coureurs de pathologies sous-jacentes
Si les crampes s’accompagnent des symptômes suivants, cela peut indiquer un problème plus grave :
- Douleur qui interfère avec les activités quotidiennes, telles que le travail, l’école, les activités sociales ou le sommeil
- Douleur pelvienne survenant indépendamment du cycle menstruel
- Douleur ne répondant pas aux analgésiques en vente libre
- Douleur pendant les rapports sexuels
- Saignements excessivement abondants (imprégnation d’au moins une serviette hygiénique ou d’un tampon toutes les heures pendant plusieurs heures d’affilée ; nécessité de doubler les serviettes hygiéniques pour gérer le flux menstruel ; nécessité de changer de serviette hygiénique et de tampon pendant la nuit ; saignements pendant plus d’une semaine)
- Perte vaginale anormale
- Infertilité
Ces symptômes peuvent indiquer des problèmes gynécologiques nécessitant une intervention médicale. Il est important de consulter un médecin qui pourra effectuer un examen physique, prescrire des examens d’imagerie tels que des échographies et même recommander une laparoscopie pour diagnostiquer des problèmes tels que l’endométriose.
Options de prise en charge et de traitement
Heureusement, il existe de nombreuses options pour gérer et traiter les crampes menstruelles sévères.
Les options de traitement sûres et efficaces varient en fonction du type et de la cause profonde des règles douloureuses. Avant de commencer un traitement, vous devriez toujours consulter un médecin pour obtenir un diagnostic précis et des recommandations personnalisées adaptées à votre état de santé.
Remèdes maison et changements de mode de vie
- Régime anti-inflammatoire : des études suggèrent que le fait de modifier son régime alimentaire en abandonnant le régime américain standard pro-inflammatoire au profit d’aliments plus anti-inflammatoires, comme l’augmentation de la consommation de légumes, de fruits, de céréales complètes et de légumineuses (comme dans un régime végétarien), peut aider à réduire les douleurs menstruelles.
- Exercice : L’American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG) recommande aux femmes de faire de l’exercice la plupart des jours de la semaine pour réduire les douleurs menstruelles et produire des substances chimiques naturelles analgésiques appelées endorphines. Cette recommandation est étayée par des preuves suggérant que les femmes qui font régulièrement de l’exercice (au moins trois fois par semaine) peuvent ressentir des crampes menstruelles moins sévères.
- Techniques de relaxation : la relaxation et la réduction du stress peuvent être plus efficaces qu’aucun traitement pour réduire la douleur. Des études ont montré que les techniques qui favorisent une réponse saine au stress, telles que le yoga, la relaxation musculaire progressive et le biofeedback, peuvent aider à soulager les symptômes aigus des crampes menstruelles.
- Thérapie par la chaleur : la chaleur topique (environ 39 °C) peut être aussi efficace que l’ibuprofène et plus efficace que l’acétaminophène pour réduire la douleur.
Médicaments en vente libre
- Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : les AINS sont un traitement de première intention pour la dysménorrhée primaire car il a été prouvé qu’ils sont plus efficaces que le placebo et l’acétaminophène pour réduire la douleur. Ils réduisent la douleur et l’inflammation en bloquant la production de prostaglandines. L’ibuprofène et le naproxène sont des AINS en vente libre qui peuvent être achetés sans ordonnance. Les directives médicales recommandent de prendre ces médicaments régulièrement, en commençant 1 à 2 jours avant le début des règles et en continuant pendant les 2 à 3 premiers jours de saignement.
Interventions médicales
- Pilules contraceptives orales (PCO) : Les PCO combinées œstrogène-progestatif constituent un traitement de première intention alternatif aux AINS pour les personnes présentant des contre-indications ou souhaitant une contraception. En outre, elles peuvent être utilisées en association avec des AINS. Ils agissent en amincissant l’endomètre et en réduisant la production de prostaglandines.
- Dispositif intra-utérin (DIU) : Les DIU hormonaux sont une option contraceptive alternative aux contraceptifs oraux combinés qui peuvent être utilisés pour traiter la dysménorrhée. Une revue systématique a conclu que le DIU libérant du lévonorgestrel est aussi efficace, voire meilleur, que les contraceptifs oraux combinés dans le traitement de la dysménorrhée primaire et secondaire causée par l’endométriose.
- Physiothérapie : La physiothérapie du plancher pelvien est un sous-ensemble de la physiothérapie axé sur le renforcement et la stabilisation des muscles pelviens. Il a notamment été démontré qu’un programme d’exercices de Kegel de huit semaines réduit efficacement les douleurs menstruelles.
- Options chirurgicales : En cas de dysménorrhée secondaire ou de douleurs pelviennes chroniques qui ne répondent pas aux traitements conservateurs de première intention, la chirurgie peut être recommandée. Selon les circonstances, il peut s’agir d’une laparoscopie, d’une ablation du nerf utérin (UNA) et d’une neurectomie présacrée (PSN).
Thérapies alternatives
- Acupuncture : Selon une revue systématique et une méta-analyse, l’acupuncture pourrait réduire les douleurs menstruelles et d’autres symptômes associés à la dysménorrhée aussi bien, voire mieux, que le placebo ou les AINS.
- Suppléments : Il existe un ensemble relativement important de données qui soutiennent l’utilisation de divers suppléments alimentaires et à base de plantes comme remèdes naturels pour réduire les douleurs menstruelles, notamment le gingembre, le gattilier (Vitex agnus-castus), la thiamine (vitamine B1), l’huile de poisson (acides gras oméga-3) et le complexe calcium-magnésium.
Points clés
- Les crampes menstruelles sévères ne font pas partie d’un cycle menstruel sain et sont plus qu’un simple inconfort : elles peuvent être le signe d’un problème de santé plus profond.
- L’endométriose, l’adénomyose, les fibromes utérins et la maladie inflammatoire pelvienne sont des exemples d’affections médicales sous-jacentes qui peuvent provoquer des règles douloureuses et doivent être traitées de manière appropriée par un médecin.
- Les facteurs liés au mode de vie et à la génétique peuvent également augmenter le risque de développer une dysménorrhée en favorisant l’inflammation et les déséquilibres hormonaux.
- Si vos crampes sont sévères, perturbent votre vie quotidienne ou s’accompagnent d’autres symptômes gynécologiques, il est important de consulter un professionnel de santé pour déterminer la meilleure marche à suivre.
- Il existe de nombreuses solutions efficaces, tant médicales que naturelles, qui peuvent aider à soulager la douleur et à améliorer votre qualité de vie. Un médecin peut vous aider à déterminer la cause profonde de vos crampes menstruelles sévères et la meilleure combinaison d’options de traitement qui vous débarrassera de la douleur de manière sûre et efficace.